Regard politique : entretien avec Aba’a Minko

Le lundi 2 octobre 2023, le reporter d’Afrique actualité 241 a été accueilli par Roland Désiré Aba’a Minko. Celui qui avait tenté de déstabiliser le pouvoir en juin 2017, s’est exprimé sur l’actualité politique gabonaise.

AA241: Quel regard portez-vous sur la situation que traverse notre pays ?

Roland Désiré Aba’a Minko: Nous sommes actuellement sous l’ére d’un régime militaropolitique lié aux événements du 30 août. Le premier regard qu’on peut faire c’est que ce n’était que par une action de stratégie militaire qu’on pouvait mettre fin au régime qui ne répondait plus aux aspirations de la population, parce que depuis pratiquement 30 ans nous sommes enlisé dans une démarche de dictature politique que j’avais qualifié de dictature démocratique, c’est à dire un régime autoritaire mais avec des instruments de démocratie. On a une Assemblée nationale, on a un Sénat, on a une Cour constitutionnelle qui sont des instruments de démocratie mais le fonctionnement était purement dictatorial. Le général, Son Excellence Président Brice Clotaire Oligui a bien voulu, par une démarche stratégique et militaire, éviter un certain nombre de choses à notre pays parce que face aux élections de 2023, il était évident que proclamer Ali Bongo vainqueur allait précipiter notre pays dans un champ de bataille. Avec le flaire du génie militaire qu’il possède, il a su faire les choses et redonner espoir aux populations qui étaient déjà dans un espèce d’étouffement de la réalité politique. À tout seigneur, tout honneur, mes félicitations sincères par rapport à la stratégie, par rapport à la démarche. Maintenant, ce que nous observons en tant que politique que je suis, c’est comment orienter cette transition ? Si la transition est orientée positivement par rapport au tout premier discours qui parle de l’ordre établi, refonder la nation, redonner la force aux institutions, comme l’a dit l’ancien président américain Barack Obama, l’Afrique n’a pas besoin d’homme fort mais des institutions fortes, si la mission est de donner la force aux institutions pour pouvoir encadrer l’Etat je voterais haut les mains. Mais si c’est une démarche qui vise à nous mener dans les mêmes pas du kounabélisme politique qu’on a dansé depuis 60 ans ça va être très embêtant. L’enthousiasme des populations va se transformer en haine plus élevée que celle que nous avions déjà pour les autorités de l’ancien régime. En tant que politique, j’observe la démarche du président de la Transition. J’observe la démarche de toutes les commissions et de tous les instruments qu’il met en place avec pour terme d’organiser des élections libres et transparentes qui garantissent l’accès de tous à ce jeu politique qui est l’élection présidentielle, locale et législative. En tant que politique, je connais la charge qui est la sienne. C’est une énorme responsabilité parce que seul il sera face à l’histoire. Dans le cas du succès nous serons nombreux à dire j’ai participé. Mais dans le cas de l’échec il sera seul face à l’histoire par rapport à son acte salutaire qui est de libérer un peuple, parce j’ai même proposé dans la rédaction de la nouvelle Constitution qu’on ait deux fêtes : la fête de l’Indépendance le 17 août et la fête de libération célébrée le 30 août. Je connais sa charge, je connais les attentes des populations, je connais les difficultés de trésorerie de notre pays et je sais qu’en bon stratège, le Général Brice Clotaire Oligui Nguema pourra conduire la Transition avec dextérité.

Quelles sont vos attentes du CTRI ?

Personnellement j’ai pas des attentes mais l’histoire retiendra que le 16 juin 2017 monsieur Aba’a Minko a tenté de déstabiliser un régime, peut-être pas avec les mêmes moyens que le Général Oligui Nguema mais l’histoire retiendra. Et les attentes sont celles de tous les gabonais. Pourquoi je suis allé jusqu’à risquer ma vie pour essayer de déstabiliser un régime ? C’est parce que je voulais répondre aux attentes des gabonais. Nous attendons tout simplement une harmonisation du fonctionnement de notre État, une démocratie libérale qui tient en compte les médias, la société civile, qui tient en compte toutes les forces vives de la nation. Nous ne pouvons pas construire notre pays en vase clos. Pour construire notre pays et espérer à la prospérité rêvée par tous il faut le concours de tout le monde.

Judex Manfoumbi