Prison Centrale de Libreville : un prisonnier en détention depuis 4 ans et 3 mois au-delà de sa peine

Ce lundi 10 juillet 2023, SOS Prisonniers Gabon a une fois de plus alerté la Ministre de la Justice, Garde des Sceaux, Chargée des droits humains et de l’Egalité des Genres, sur la détention abusive du prisonnier Abou Idriss Mohamed à la Prison Centrale de Libreville.

Abou Idriss Mohamed, ressortissant nigérien, avait contacté notre association au début du mois de mars 2022 pour nous informer qu’il était détenu depuis le 16 avril 2003. À l’issue de son procès le 7 mai 2007, il avait été condamné à 16 ans de prison ferme et à une interdiction de séjour au Gabon pendant 20 ans. Sa peine de prison aurait dû prendre fin le 16 avril 2019, mais il demeure inexplicablement incarcéré à ce jour.

Afin de comprendre la situation carcérale d’Abou Idriss Mohamed, SOS Prisonniers Gabon a d’abord pris contact avec le Service Greffe de la Prison Centrale de Libreville (PCL). Le Greffe nous a informés qu’aucun résultat d’audience n’était disponible dans son dossier, le réprimant ainsi comme un détenu n’ayant pas encore été jugé.

Nous nous sommes ensuite rendus au Greffe de la Cour d’Appel Judiciaire de Libreville, où il nous a été expliqué qu’il fallait payer 10 000 FCFA par année de recherche pour retrouver le résultat d’audience datant de 2007. Dans notre cas, cela a créé une somme de 150 000 FCFA (2007-2022).

Face à cette situation, le 19 mai 2022, nous avons sollicité le Parquet Général pour obtenir le résultat d’audience d’Abou Idriss, tout en expliquant notre incapacité à payer cette somme. Malheureusement, malgré nos multiples démarches, aucune suite n’a été donnée à notre demande.

En février 2023, nous nous sommes rendus une nouvelle fois au Greffe de la Cour d’Appel. Bien que nous ne disposions que de 43 000 FCFA, nous avons sollicité leur indulgence. Notre demande a été acceptée, et deux jours plus tard, le registre d’audience criminelle a été retrouvé. Celui-ci a confirmé la condamnation d’Abou Idriss Mohamed à 16 ans d’emprisonnement et à une interdiction de séjour de 20 ans au Gabon, mais a également révélé que sa peine avait expiré le 16 avril 2019. Il est donc détenu de manière abusive depuis 4 ans et 3 mois.

La situation d’Abou Idriss Mohamed est préoccupante, car il est en très mauvaise santé physique et mentale. Sans intervention rapide, il pourrait perdre la vie en détention.

Il est impératif de prendre les mesures nécessaires pour qu’Abou Idriss Mohamed soit libéré de prison et expulsé du territoire conformément à l’arrêt rendu par la Cour Criminelle.

Par ailleurs, nous recevraient une fois de plus l’attention des autorités sur certaines pratiques qui nuisent à notre système judiciaire, notamment les frais de recherche facturés à 10 000 FCFA par année. Cette pratique courante semble être soutenue et encouragée par les responsables de l’administration judiciaire. Les prisonniers ne doivent pas être considérés comme une source de profit.

Il est également essentiel de se pencher sur le rôle du Service Litige de l’administration pénitentiaire, chargé de surveiller la situation carcérale de chaque détenu. Comment se fait-il que le Greffe de la Prison Centrale ne dispose pas du résultat d’audience d’un détenu et n’ait pas fait les efforts nécessaires pour l’obtenir ? À quoi sert réellement ce service ? Et pourquoi nommons-nous des personnes non qualifiées pour ces postes ?

La mauvaise gestion des dossiers des détenus est l’une des principales causes de la surpopulation carcérale.

SOS Prisonniers Gabon, malgré les difficultés et les menaces d’arrestation, continue de défendre les droits humains en milieu carcéral. Nous exhortons les autorités à agir rapidement pour résoudre cette situation et humaniser nos prisons.

Judex Manfoumbi