Libreville, le 17 novembre 2022 (Dépêches 241). Dans un billet quasi-quotidien, Serge Abslow analyse avec beaucoup de sarcasme les faits de société et les évènements qui chamboulent la vie du Gabonais dans son pays. Le billet du jour brosse le tableau des violences observées ces derniers jours à Libreville entre élèves de lycées et les mesures prises par le ministère de l’Education nationale. Lecture en dix points.
- Que celui qui ne s’est jamais battu en classe lève son doigt. Qui dans ce pays peut soutenir qu’il n’a jamais été confronté, au collège et/ou au lycée, à une situation de violence en classe, impliquant lui-même ou un de ses camarades de classe ? La vérité c’est qu’on a tous le souvenir d’au moins une bagarre et même de brimades unilatérales de la part d’un élève, souvent plus âgé, commises sur un plus jeune. Il en va ainsi de cet univers depuis des lustres.
- Je ne dis pas que les rixes et autres formes de violences sont excusables, mais elles sont normales car elles correspondent souvent à une période trouble où l’adolescent est à la recherche de nouveaux repères. Il était ainsi de notre génération et il en est ainsi de la présente. Même si c’était rare, à notre époque, le lycée technique faisait déjà des raids punitifs dans les autres établissements.
- C’est donc un problème vieux comme le monde. Ne feignons pas de l’ignorer et de faire comme si c’était propre à la présente génération. Posons-nous plutôt les bonnes questions : « Que se passe-t-il donc pour que nos enfants s’illustrent quotidiennement par des violences en milieu scolaire, sous la barbe des enseignants, des surveillants et des pouvoirs publics » ?
- Il y a là un vrai malaise qu’on ne peut soigner par des expédients. Mais comme toujours dans notre pays, quand on ne veut pas mener la moindre investigation de fond, on opte souvent pour des solutions faciles. Celles qui sont les plus simples à mettre en œuvre, et qui nous épargnent du moindre effort de réflexion dont les conclusions seraient pourtant porteuses de solutions pérennes.
- C’est bien connu, « pour baisser la fièvre, on ne casse pas le thermomètre » . Au contraire, on consulte un médecin qui vous ausculte, vous prescrit des examens, interprète les résultats de ces examens et ensuite, fait un diagnostic pour lequel il prescrit enfin un traitement. Souvent, il vous diagnostique un palu alors que vous croyiez avoir une fièvre passagère.
- C’est exactement le contraire que vient de faire le gouvernement dans cette problématique vieille de plusieurs décennies. Il a décidé de recourir à la répression tous azimuts plutôt qu’à une réflexion profonde sur l’état de notre école. Tout élève qui sera désormais coupable de violences en milieu scolaire, écopera de 5 ans de suspension de toutes études sur l’étendue du territoire national. Bravo !
- Mais comment cela se traduit-il concrètement dans les faits ? Un élève par exemple âgé de 12 ans qui serait en 5ème, s’il lui arrive de se battre « pour quelque raison que ce soit » , sera exclu sans autre forme de procès et interdit d’études durant 5 ans ? Je tombe des nues quand je réalise que des pères et mères de famille ont pris une telle décision. Il est risible qu’en faisant lire un discours à une enfant, on veuille faire croire que ces derniers soient solidaires d’une telle absurdité.
- De quel niveau de conscience dispose un ado ? Cela est d’autant plus ahurissant que dans le même pays où une telle décision est prise, la scolarité est réputée être obligatoire jusqu’à 16 ans. Donc le même gouvernement qui oblige les enfants à étudier jusqu’à l’âge de 16 ans est aussi celui qui les contraint à arrêter les études pour cause de violence ? Et à quoi destine-t-on un tel ado qu’on prive de scolarité durant 5 ans ?
- Si ce n’est pas à l’oisiveté qui est mère de tous les vices, à quoi d’autre ? Que tous les futés qui ont imaginé une telle décision nous édifient. Non ! C’est assurément une mauvaise décision. Le ministère de l’Education nationale ne peut être solidaire d’une telle mesure exagérément répressive. Pour la simple raison que sa vocation première est l’éducation et la formation et non la répression.
- Il faut mener des réflexions profondes sur ces problèmes pour y apporter de vraies solutions. Autant aucun parent ne peut chasser de la maison son rejeton pour violence sur son frère, autant l’école publique républicaine ne doit pas se débarrasser des fortes têtes en milieu scolaire. Il y a mieux à proposer à un élève indiscipliné que d’obscurcir davantage son avenir. Quand on fait ça, c’est qu’on n’a rien compris à l’éducation.
Sarcastiquement vôtre !